L’abaissement de la note de crédit de la France par Standard & Poor’s vendredi a porté un coup dur à la réputation du président Macron. L’agence de notation a abaissé la note de la France de AA à AA, à égalité avec la République tchèque et l’Estonie et un cran en dessous du Royaume-Uni. S&P a dégradé la note de la dette française pour la première fois depuis 2013, bien que Fitch l’ait fait en avril 2023. Cela a coûté des années à une présidence hantée par le mouvement des gilets jaunes « quoi qu’il en coûte ».
La dégradation de la note de crédit intervient une semaine avant les élections européennes, où le parti Renaissance de Macron est en retard de plus de 16 points sur le Rassemblement National (RN). C’est encore plus poignant étant donné la réputation de l’ancien banquier Macron comme le « Mozart de la finance ». Lors d’un tristement célèbre débat télévisé pour le second tour de l’élection présidentielle de 2017, la honte faite par Macron à l’égard de l’ignorance financière de Marine Le Pen à l’égard de l’euro a scellé sa défaite. C’est donc avec une justice poétique que Le Pen a fustigé vendredi son ancien rival pour « gestion désastreuse des fonds publics ».
Mais ce déclassement n’est pas seulement dû au fait que le grand maestro joue une mauvaise note. Les finances françaises sont en conflit depuis des années, le ratio du PIB français étant désormais de 112 %, le troisième pire de la zone euro derrière la Grèce et l’Italie, selon S&P. Le déficit budgétaire est 5,5 pour cent plus élevé que les projections du gouvernement. Et les perspectives sont sombres. S&P a contredit l’affirmation du gouvernement français selon laquelle le déficit serait réduit à 3 % d’ici 2027, conformément aux exigences de l’UE. Ils se joignent au FMI, à la Commission européenne et au Bureau national d’audit de la France pour remettre en question la capacité du pays à équilibrer sa dette croissante.
La question reste de savoir comment le président Macron peut réduire la dette. Il a refusé à plusieurs reprises d’augmenter les impôts, les plus élevés de tous les pays de l’OCDE, affirmant que la croissance serait le sauveur de la France. Mais la croissance anémique de la France continue de décourager les prévisions du gouvernement. Cela réduira les dépenses publiques. Mais les services publics français sont dans une situation désastreuse. Et Macron promet de l’argent pour un nouveau programme vert massif et augmente les dépenses de défense françaises de moins de 2 pour cent du PIB à 2,5 pour cent. Ironiquement, le service de la dette française repose sur son budget de défense de 50 milliards d’euros. La Direction de la responsabilité budgétaire prévoit que ce montant atteindra plus de 70 milliards d’euros par an d’ici 2027. Sans surprise, Macron a exhorté à plusieurs reprises l’UE à contracter davantage de dettes collectives pour financer les investissements des États membres.
Les solutions à la périlleuse situation budgétaire de la France sont limitées dans la mesure où « la fragmentation politique augmente l’incertitude », a prévenu S&P. L’adoption de mesures d’austérité a été difficile en raison de l’absence de majorité au Parlement. Des propositions d’audit sur les réformes gouvernementales les plus redoutées ont été déposées cette semaine avant la dégradation de la note de S&P. Il est peu probable qu’ils parviennent à surmonter les profondes divisions au sein de l’opposition, mais ils se resserrent à chaque fois. La défaite humiliante du parti de Macron face au RN le 9 juin rendra l’Assemblée nationale encore plus intraitable, alors que Macron a clairement affiché ses couleurs sur un sujet : l’Europe. Macron pourrait être contraint de dissoudre le Parlement pour sortir de l’impasse, comme l’a réclamé Marine Le Pen, mais vu l’état des urnes, ce serait un cadeau pour le RN.
La dégradation de la note de S&P, combinée à l’humiliation du 9 juin, exclura Macron de son UE bien-aimée. D’autres pays de l’UE ont entamé un processus de réduction de la dette. Avec moins de crédibilité politique, Macron aura du mal à faire valoir les prétentions de la France aux postes de commissaire européen et au budget de l’UE. Le seul léger avantage de la France est que sa situation budgétaire illiquide, en raison du soutien de l’euro par les pays économes, ne peut pas provoquer une ruée sur la monnaie, même si elle pourrait élargir l’écart sur ses obligations.
La France approche du point où le Portugal, l’Irlande, l’Italie, la Grèce et l’Espagne se retrouvent pris dans une crise européenne majeure de la dette suite à l’effondrement financier de 2008. Elle est à la merci de tout choc international. La France est peut-être trop grande pour l’ensemble du projet européen, mais elle pourrait se retrouver confrontée à des « mesures financières spéciales » si son imprudence persiste. Si Marine Le Pen ou Jordan Bardella remportent l’élection présidentielle de 2027, il n’est pas difficile d’imaginer que la Commission européenne se réjouisse d’interdire la nouvelle administration. Grâce à leur disciple Emmanuel Macron, ils y sont parvenus.
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