L’Algérie durcit-elle sa politique migratoire ?

La position stratégique de l’Algérie la place au centre de la migration du Sahel vers l’Europe. Début 2024, l’Algérie a expulsé près de 2 000 migrants d’Afrique subsaharienne vers le Niger, l’environnement politique malsain au Sahel compliquant encore davantage la question migratoire pour les États du Maghreb, notamment l’Algérie. Accord avec l’Union européenne (UE) pour endiguer le flux de migrants vers la Méditerranée. Quel est l’état de la politique migratoire de l’Algérie et quels sont les enjeux ? Comment l’Algérie coordonne-t-elle sa politique migratoire avec les pays voisins ? Brahim Omansour, chercheur associé à l’IRIS et directeur de l’Observatoire du Maghreb, apporte quelques réponses.

À la croisée des chemins entre l’Afrique subsaharienne et l’Europe, l’Algérie est au centre des flux migratoires internationaux, notamment depuis une série de coups d’État dans la région du Sahel. Comment le gouvernement aborde-t-il la question migratoire et comment le pays exprime-t-il sa politique migratoire dans le contexte de la crise sahélienne ?

Comme tous les pays d’Afrique du Nord, l’Algérie est devenue un pays de transit pour les migrants subsahariens tentant de rejoindre l’Europe. Plusieurs milliers de migrants subsahariens sont arrivés dans le pays ces dix dernières années. L’Algérie est un vaste pays – le plus grand d’Afrique – qui partage des frontières avec six pays : la Tunisie, la Libye, le Niger, le Mali, la Mauritanie et le Maroc, ainsi que la région autonome du Sahara occidental. Ces frontières sont marquées par des tensions interétatiques et une instabilité, nécessitant une mobilisation sérieuse de l’armée algérienne. L’armée a redoublé de vigilance pour contrer diverses menaces dont le terrorisme et toutes les formes de contrebande.

La politique migratoire de l’Algérie est actuellement confrontée à des défis majeurs, exacerbés par la crise du Sahel, qui a exacerbé les tensions régionales et les menaces sécuritaires, en particulier les récents coups d’État au Mali et au Niger. Face à l’augmentation des migrants, Alger a adopté une approche basée sur une combinaison de mesures répressives et de coopération diplomatique, notamment avec les États sahéliens du Mali et du Niger. Mais cette coopération a été mise à mal par la montée des immigrants et l’arrivée de nouveaux dirigeants chez ses voisins du sud.

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De son côté, Alger a durci sa politique migratoire et multiplié les mesures de rapatriement et de rapatriement des migrants subsahariens vers le Sahara limitrophe du Niger. L’organisation Alame bon Saharien estime à environ 26 000 l’exode d’ici 2023. Ces agissements ont provoqué des tensions diplomatiques, notamment avec le Niger, qui a convoqué l’ambassadeur d’Algérie le 3 avril pour lui faire part de son mécontentement. L’annulation par les dirigeants nigériens de la coopération avec l’UE en matière de politique migratoire risque d’accroître la pression sur l’Algérie et ses relations avec le Niger. De plus, ces exodes massifs ont créé une situation humanitaire dramatique. Les migrants refoulés continuent de se retrouver bloqués aux frontières et dans des zones désertiques sans moyens de subsistance, et les centres d’accueil du village d’Assamaga, à la frontière algéro-nigériane, sont surpeuplés. A ce titre, le retour massif des migrants a fait l’objet de critiques de la part des organisations non gouvernementales et du droit international, d’autant plus que l’Algérie est signataire de la Convention relative aux réfugiés de 1951 et de la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples.

Au niveau régional, dans quelle mesure Alger coordonne-t-elle sa politique migratoire avec ses voisins tunisiens et libyens et les ONG sur place ?

Premièrement, les travaux au sein de l’Union du Maghreb arabe (UMA) ont été complètement gelés, principalement en raison des tensions entre l’Algérie et le Maroc – attisées par le conflit du Sahara occidental – qui ont conduit à une rupture diplomatique à partir de l’été 2021. Selon une politique régionale commune, chaque État du Maghreb gère la question migratoire de manière indépendante et avec ses propres ressources. Malgré leur bonne entente, la coopération entre les trois voisins, l’Algérie, la Libye et la Tunisie, a été limitée en matière de politique migratoire. Le retour des migrants dans un pays voisin provoque souvent des frictions diplomatiques. Le 22 avril, une réunion trilatérale s’est tenue entre les présidents algérien Abdelmajid Debon et tunisien Qais Said et le chef du Conseil présidentiel libyen Mohamed Younes El-Menfi, visant à renforcer la coopération et à créer des commissions mixtes. La coopération en matière de politique migratoire est l’une des questions clés à aborder. En ce qui concerne les ONG, l’Algérie tolère la présence de certaines organisations humanitaires internationales dans sa région, comme Oxfam et Triangle Génération Humanitaire, travaillant avec l’Office principalement pour soutenir les réfugiés sahraouis dans la région de Dindouf, au sud-ouest de l’Algérie. Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR). Cela est dû à la méfiance des autorités algériennes à l’égard des ONG internationales, souvent accusées de s’ingérer dans les affaires intérieures du pays. Cela reflète également la difficulté de trouver un équilibre entre l’impératif de sécurité présenté par les autorités algériennes et l’obligation de faire respecter la souveraineté nationale et le droit humanitaire conformément au droit international.

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L’Algérie reçoit-elle des financements de l’UE dans le cadre de sa politique migratoire ? Si oui, à quel rythme et à quelles fins ?

L’UE a signé des partenariats bilatéraux avec la Tunisie, la Mauritanie et l’Égypte à partir de juillet 2023. Les accords sur la migration consistent à aider les pays d’origine ou de transit à renforcer leurs contrôles aux frontières pour empêcher l’arrivée de migrants sur le sol européen, en échange d’une aide financière directe. Sous forme d’investissement et de soutien au développement économique. Bruxelles ambitionne d’étendre cette pratique à d’autres pays africains. Aucun accord de ce type n’a été signé avec l’Algérie. Alger, contrairement à ses deux voisins, le Maroc et la Tunisie, ne reçoit pas de financement de l’UE pour gérer les migrants. Il est peu probable que les dirigeants algériens acceptent ce type d’accord pour au moins deux raisons. Premièrement, grâce à ses revenus pétroliers et gaziers, Alger n’a pas eu besoin de soutien financier alors que les prix de l’énergie ont augmenté au cours des deux dernières années. Deuxièmement, la souveraineté prononcée des dirigeants algériens les rend réticents à accepter de tels accords.

Il convient également de noter que l’immigration clandestine en provenance d’Algérie a considérablement diminué. L’afflux de migrants subsahariens devient donc une question clé à discuter avec l’UE. Alger sera moins motivé pour jouer car il se sent moins anxieux. Bref, la stratégie européenne consistant à déléguer la gestion des migrants aux pays africains semble avoir atteint ses limites. Le revirement des dirigeants nigériens et la situation tragique des migrants errant aux frontières de nombreux pays du Maghreb et du Sahel montrent que la politique européenne a déplacé le problème vers le sud, avec des conséquences humanitaires et diplomatiques. Un accord multilatéral entre l’UE et l’Union africaine, par exemple, impliquerait certes un processus long et compliqué, mais serait très efficace pour faire face à un tel événement.

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Traduit par Deebl.

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